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Blog franco-latiniste de Bessières
13 mai 2012

Enquête à Rome: Cemandina la gladiatrice

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Cemandina la Gladiatrice

 

 

Le plus frêle des deux combattants commençait à perdre le rythme. Les mouvements de son adversaires étaient encore vifs et meurtriers. Ses muscles saillants et sa tenue indiquaient que c'était un rétiaire. Le jeune homme peinait de plus en plus, était moins vigilant et plus lent. La foule se lassait de ce combat dont on connaissait déjà l'issue : le rétière allait porter le coup fatal au sécutor et, si celui-ci ne mourrait pas, la foule de spectateurs demanderait sa mort. Son habit de sécutor était étrange car il portait un drap sur le haut de son corps au lieu d'être torse nu : certainement avait-il une malformation que l'on chercheait à cacher. Le sable volait dans l'arène, les cliquetis de l'armement résonnaient, les spectateurs se turent soudain. Il avait fini par tomber, son habit tâché de sang qui réveillait si bien l'aspect animal des Romains. Le combat était terminé, il était mort.

Gaïa était peinée : ce jeune homme qui venait de trépasser n'avait certainement pas loin de dix huit ans, tout comme elle. Comment une personne si jeune pouvait- elle finir dans un endroit aussi monstrueux ?

Le spectacle étant terminé, elle se glissa dans la cohue de Romains pour échapper a son père, Titus Tullius.

Elle ne savait pas pourquoi, mais elle désirait assister à l'enterrement du jeune gladiateur qu'elle ne connaissait pas et dont la mort l'avait curieusement bouleversée. Le public était autorisé à participer à ce rite mais personne n'y allait. Lorsque Gaïa rentra dans la salle elle trouva le corps entouré seulement d'un prêtre et de son propriétaire. Ils étaient en train de lui retirer ses armements et habits. Tandis qu'elle s'approchait, ils étouffèrent un cri de stupeur et se reculèrent vivement du corps, un rictus d'effroi et de dégout déformant leur visage. C'est en se rapprochant qu'elle remarqua quelque chose qui manqua de la faire s'évanouir: et pour cause, le cadavre avait des seins! Mais le plus étrange était qu'il avait une bulla, le collier attestant de la liberté d'une personne, accrochée autour du cou.

Mais comment cette femme était-elle arrivée là?

Ce soir là Gaïa eut du mal à trouver le sommeil. Le propriétaire de la gladiatrice, puisque c'était une femme, lui avait demandé de n'en parler à personne pour éviter le scandale. Mais cette affaire la tourmentait et des millions de questions se posaient. Qui était cette femme? Etait-elle libre? Et comment était-elle devenue gladiatrice sans que personne ne le sache?

C'est en se réveillant que Gaïa décida de mener l'enquête. Elle sortit la bulla qu'elle avait dérobée sur le corps, elle lut le nom inscrit dessus : Cemandina Florus.

Elle passa sa journée à chercher des renseignements sur une éventuelle famille Florus qui aurait vécut à Rome. Mais tous les Florus qu'elle rencontra soit ne savait pas de quoi elle parlait, soit lui claquaient la porte au nez, elle était une fille, sa place était dans son foyer. Elle continua pendant plusieurs mois puis un jour, alors qu'elle était sur le point d'abandonner, un jeune homme lui ouvrit sa porte la fit entrer et l'étreignit dans ses bras. Il lui demanda simplement '' Vous venez pour ma soeur ? '' Elle lui rétorqua que oui, puis lui raconta ce qui était arrivée lors du combat. Bouleversé, le jeune homme se laissa tomber sur un banc: '' Elle est donc morte…'' Gaïa vit les larmes se former dans les yeux de son interlocuteur. Elle lui demanda si cela ne le dérangeait pas de lui raconter ce qui s'était passé, et qu'elle était la raison pour qu'une femme libre soit soumise à devenir gladiateur. Il se renfrogna l’espace d’un instant et elle crut qu’il ne lui dirait rien mais les paroles sortirent, en masse, comme une chanson.

 

Cemandina


 

Huit-ans plus tôt

Victime d'insomnie, je me levai pour aller chercher un verre d'eau. Pater était invité chez un voisin et Mater était partie pour deux jours. Je crus entendre un bruit assez étrange : comme si quelqu’un marchait mais à pas lourds. Alors, au lieu de prendre la direction de la culina, je me dirigeai vers l'atrium. Je suffoquai de surprise: devant moi se tenait un homme, de dos, qui ne me semblait pas du tout familier. Il tenait l'un de mes frère sous ses bras, je découvris mon plus jeune frère, Paulus, qui se cachait derrière une statue représentant le buste d'un empereur. Mon dernier frère, Augustus, le plus âgé d'entre nous, était étendu devant le bassin de l'Atrium, il baignait dans une flaque de sang. Je rêvais, ce n’était pas possible, je voulus crier mais l’assassin lâcha mon frère qu’il tenait sous son bras et courut dans ma direction il m'attrapa par le cou pour m'empêcher de hurler et éviter que quelqu'un le surprenne. Il m'attrapa si violemment qu'il m'arracha ma bulla où était inscrit mon nom : Cemandina Florus, signe que j'étais libre. L’homme nous fit sortir de la maison. Il nous embarqua sur son chariot mes frères et moi. Où nous amenait-il ?

Je crois qu'il nous assomma car je me réveillais, le crâne très douloureux et je me rendis compte que nous étions arrivés près du marché aux esclaves. Les évènements s’étaient enchaînés tellement vite que je n’avais pas eu le temps de paniquer ni de me poser de questions, mais la brume dont j’étais intérieurement victime disparut et je pus contempler l’étendue de l’horreur où nous étions. Mon grand frère était mort mais je ne savais pas pourquoi, ni pourquoi on nous avait enlevés. Je secouai mes deux frères, puisqu’il ne me restait plus qu'eux, pour voir s’il ne leur était rien arrivé. Nous étions quadruplés mais Augustus était né le premier.Comme il était l’aînéet qu’il était mort j'étais la plus grande, c'était donc mon devoir de veiller sur eux.

Arrivés au marché, notre tortionnaire nous attacha les mains et nous fit croquer un par un dans une misérable boule de céréales - si l'on pouvait dire cela, car je crois qu’il y avait de la terre et des légumes dedans - il nous nettoya de la tête aux pieds et effaça nos petites traces de sang qui se tenaient sur notre torse. J’en profitai pour le regarder, je n’avais pu voir à quoi il ressemblait dans la nuit. C’était un homme grand et sec, d’après sa musculature, je pouvais en déduire que c’était un ancien gladiateur affranchi, un champion.

Il prit l'emplacement qui lui était réservé dans le marché et commença à exposer mes frères. Pendant que son complice, un homme chauve et gras, s'occupait de marchander mes frères, moi, il m'entraîna derrières les rideaux de son char. Il m'expliqua que ce n'était pas au début son intention de me prendre, mais, puisque j'avais vu la scène, il ne pouvait pas me laisser de peur que j'informe les autorités. Alors il me coupa les cheveux, me mit un énorme drap sur la poitrine, il serra tellement que cela me faisait affreusement mal, mais il ne fallait pas voir que j'étais une fille. Nous n'étions pas à un marché d'esclaves mais dans un endroit où on négociait les jeunes hommes pour les faire devenir gladiateur, seulement moi j'étais une femme et mon propriétaire ne pouvait pas me garder: il pourrait se faire attraper. Alors, il me donna tant bien que mal l’apparence d’un garçon et me mit, une fois habillée, aux côtés de mes frères pour me vendre.

Je me rappelai une phrase en latin que seuls mes frère pouvaient connaitre. Nous étions quatre, notre mère nous avait élevé ensemble, et nous chantait les mêmes berceuses, dans ma préférée, elle répétait '' Vita alea est, sola mors eam reprimet '' ( La vie est une chance, seule la mort l'arrêtera ). Je la murmurai et mes frères se retournèrent et me reconnurent. Au bout de quelques heures, il me semble, après une longue attente sous le soleil, un homme s'approcha, il m'examina moi et mes frères. L'homme, après une ou deux minutes de réflexion, se tourna vers le vendeur ; il lui désigna mes frères. Il avait dû voir que j’étais une fille : j’étais perdue. Mais après un moment d’hésitation, il me désigna à mon tour. Les pièces tintèrent, il nous attrapa par les épaules et nous attacha l'un à l'autre par une ficelle qu’il tenait, il la tendit à un autre homme qui nous traîna comme des chiens.

 

Un mois après.

Notre nouveau maître était sévère, parfois cruel mais il faisait attention à nous. Il nous fit gladiateur, je progressais vite et je gagnais tous les combats d’entraînement. Cependant, la vie de gladiateur n’était pas de tout repos et mes frères étaient moins bons que moi, je craignais de les voir mourir lors de vrais combats. Un jour mon école ne put plus rien m'apprendre donc, même pour mon jeune âge - qui était quatorze ans - je commençai à combattre dans l'amphithéâtre. Seulement ce n’était plus un jeu, les hommes que je combattais étaient là pour gagner et tuer. Le temps passa et les combats se succédèrent, je commençais à devenir célèbre et cela plaisait à mes maître qui gagnaient beaucoup d’argent.

Par contre mes frères peinaient de plus en plus, alors plutôt que de perdre de l'argent, on les envoya dans l’amphithéâtre.

 

Trois mois après.

Mon plus jeune frère, Paulus, partit pour son premier combat, j’eus un mauvais pressentiment, je l’étreignis et le vis partir. Lorsque le combat fut terminé, les larmes se bousculaient sur mes joues, il ne me restait plus que Remus et je désespérais de le perdre.

 

Deux ans après

Je ne faisais que progresser. Un jour mon maître vint dans ce qui me servait de chambre - c'est à dire une misérable paillasse qui me servait de lit, une pierre pour table de chevet et derrière un sinistre drap déchiré, un trou creusé dans la terre me servait de latrines - pour m'annoncer ce qu'il disait être une bonne nouvelle. Il avait réfléchi, je venais d'atteindre un assez grand nombre de combats gagnés, dans cette arène où les hommes se battaient dans la terreur et l’angoisse de la mort pour distraire et amuser les spectateurs car '' si tu gagnes le premier combat, ne te reposes pas sur tes lauriers, le deuxième sera peut-être aussi ton dernier ''. Dès le lendemain je pourrais partir, il m’affranchissait pour mes bons et loyaux services.

Mais avant de manger mon dernier repas en compagnie des autres gladiateurs et de Remus, je le regardais : il avait maigri, et était sur le point d’abandonner.

Au petit matin, alors que je me rendais dans la chambre du maître, il me regarda et me dit : «  Tiens ton premier propriétaire me l’a donnée, elle est à toi », il me tendit ma bulla et s’attendit à me voir le remercier et partir. Au lieu de ça, les paroles sortirent de ma bouche sans que je puisse les arrêter. Il hésita et acquiesça gravement : « Si c’est ce que tu désires vraiment, je peux te l’accorder, ce n’est pas un bon gladiateur et il me coûte cher. ». Il me permit de garder ma bulla, me fit signe de sortir et fit appeler mon frère.

Peu de temps après, mon frère vint me voir, il me remercia, m’étreignit et me jura qu’il reviendrait dans deux ans - le temps de faire fortune - pas un jours de plus, pour me racheter et me libérer.

 

Un peu plus tard

Pour moi, les combats se succédèrent , j'enchaînais succès sur succès, mes maîtres assistaient à tous mes combats et était fièrs.

Cela faisait presque deux ans que je combattais et mon frère devait venir me chercher.

Mais lorsque le jour arriva, mon frère ne vint pas, il était certainement mort, m’avait oublié ou ne pouvait pas me reprendre. J'entendis la sonnerie retentir, c'était à moi de rentrer dans l'arène. Je savais que ce serait mon dernier combat, l’ultime et j’étais heureuse.

Je commençai à perdre le rythme, les mouvements de mon adversaire étaient encore plus en plus vifs et plus meurtriers. Je peinais de plus en plus, était moins vigilante et plus lente, je sentis une grande souffrance au niveau de la poitrine je mis ma main sous mon drap et la ressortit, elle était rouge vif, je relevai ma tête et regardai les spectateurs qui se trouvaient en face de moi cela devenait trouble je voyais mal, les cris de la foule déchaînée devenaient de plus en plus lointains, je me sentais tomber, j’heurtai le sol. Au moins mon frère était-il heureux, et je l’étais vraiment pour lui. Dans un dernier souffle je murmurai, pour lui : « Vita alea est, sola mors eam reprimet ».

 

Gaia


 

« Je n’ai rien pu faire pour la sauver, je ne pensais pas qu’elle allait se laisser tuer pour un jour ! cria Paulus désespéré, j’ai complètement oublié, je pensais y aller dans deux jours, mais… »

Les mots s’étranglèrent dans sa gorge.

Il m’apprit qu’il avait mené son enquête pour savoir pourquoi on était venu les enlever.

La vérité était pire que ce que j’aurais pu imaginer.

En effet, dix-sept ans plus tôt, Janus Marcus, un riche marchand romain, marié et père de deux enfants, rencontra une belle jeune femme séduisante et mariée, elle aussi, mais elle n’avait pas d’enfants.

Bientôt, ils devinrent amants et elle se rendit compte qu’elle était enceinte, elle fit croire à son mari que c’était de lui.

Mais Janus Marcus, le père de ces futurs enfants, ne voulant aucune preuve de leur liaison, attendit qu’elle accouche de ses quadruplés pour aller les abandonner. Il avait des regrets bien sûr, mais ses enfants étaient une preuve dangereuse pour lui.

La mère se rendit compte de ce projet, aussi ne lui dit-elle pas un mot et alla chercher les nouveaux-nés là où son amant les avait déposés.

A partir de ce moment, les fautifs, comme honteux de leur aventure, ne se virent plus et elle éleva ses enfant en compagnie de son mari dans le plus grand secret.

Mais à Rome, un secret est vite connu d’au moins trois personnes, puis de plus en plus. Ainsi, Janus apprit qu’elle avait récupéré les enfants et, voulant cette fois éliminer ces preuves accablantes, il envoya un homme et lui ordonna d’envoyer les garçons dans une école de gladiateurs, où jamais personne ne les retrouverait.

Lorsque la mère se rendit compte de la disparition de trois des ses enfants et du meurtre du quatrième, le chagrin lui fit tout avouer à son mari qui la quitta. Elle mourut de chagrin quelques mois après,en faisant le geste de bercer ses enfants dans ses bras, en répétant inlassablement « Vita alea est, sola mors eam reprimet ».

Nouvelle écrite par Amandine  et Séréna, 4e1

 

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